Depuis le buzz du film Intouchables de Eric Toledano et Olivier Nakache, on a assisté à l’arrivée sur le marché du cinéma de nombreux films à succès parlant du handicap. Mais il serait faux de croire que c’est un phénomène entièrement nouveau.
Le premier qui me vient immédiatement à l’esprit est le magnifique Rain Man avec Dustin Hoffman et Tom Cruise. Il est sorti en France en 1988 et traitait du handicap mental par le biais d’un homme atteint d’autisme (joué par Dustin Hoffman).
Certes, l’autisme n’est pas la même chose qu’un handicap moteur, de même qu’un handicap sensoriel est encore bien différent.
Malgré tout je mets ces films dans la même catégorie : ils traite de la différence, d’une matière d’être, de vivre un peu différente de la majorité des personnes.
Étant moi-même handicapée et atteinte d’une maladie chronique et dégénérative, j’ai souvent des sentiments assez ambivalents envers ce genre de film.
On en parle
J’en ai parlé avec des personnes valides qui trouvent que le fait d’en parler est déjà une bonne chose. Certes, je ne vais pas le nier. On ne nous cache plus au fond d’un placard ni ne nous embauche dans un cirque.
Je me souviens du film Freaks que j’avais vu étant adolescente qui parlait d’un cirque où on voyait les personnages qui étaient des personnes « différentes » : nain, amputé, difformes,… Les mots sont volontairement forts et sans fioritures parce que justement ce film était sans fioritures ni égard pour ses personnes dites différentes, difformes, à faire peur.
Heureusement, les personnes avec un handicap quel qu’il soit ne sont plus montrées dans un cirque comme une attraction, cool !
Non parce que j’ai bien rêvé étant enfant de devenir artiste de cirque mais plus en tant que trapéziste, que monstre !
Par contre, je me demande si leur vie n’est pas parfois un peu livrée en pâture à l’esprit voyeuriste de l’être humain.
« Quel courage ! »
On en parle mais en même temps, n’y a-t-il pas un effet de mode ?
Puis j’irais plus loin, n’est-ce pas avec un certain regard de pitié ou en tout cas de stigmatisation ?
Ce sont toutes les questions que je me pose et qui font que j’ai toujours un temps de retard pour aller voir ses films quand je ne les boycottes carrément pas, ce n’est pas bien, je reconnais.
Je me souviens des commentaires que j’ai entendus suite à Intouchables du genre « quel courage », « je ne pourrais pas le supporter si je devenais comme ça »…
Oui enfin d’une part, les gens ne choisissent pas puis c’est un film hein, l’histoire d’UNE personne pas l’histoire de toutes les personnes atteintes de tétraplégie.
Mais justement c’est un film.
Ne suis-je pas trop dure avec les films traitant de ce sujet en particulier ?
Deux jours une nuit raconte l’histoire d’une ouvrière qui se fait licencier et se bat bec et ongles pour que ses collègues l’aident et soient solidaires. J’ai aimé ce film, je ne l’ai pas trouvé mielleux, faux ou je ne sais quoi.
Et quant aux films traitant de sujets durs mais réels comme Au revoir les enfants parlant d’enfants juifs sauvés pendant la seconde guerre mondiale, ils sont romancés, souvent librement adaptés et pourtant j’y prend du plaisir et je ne sors pas du cinéma en criant haro sur le baudet.
Peut-être est-ce parce que je ne me sens pas concernée de la même manière mais est-ce vraiment une raison ?
Voir un film pour ce qu’il est
Je suis la première à râler quand j’entends une personne parler du dernier X men et dire qu’il est plein d’effets spéciaux mais qu’il manque un peu de profondeur.
Je ne vais pas voir X men pour me creuser la tête, réfléchir au sens de la vie. J’y vais pour me détendre, voir de beaux effets spéciaux et je pense que c’est le but recherché !
Du coup, rendons à César ce qui est à César, quand je vais voir Intouchables, est-ce que je n’en attends pas trop ? Comme s’il devait être parfait, rattraper toute la méconnaissance des gens sur le sujet, les faire réaliser qu’on est juste des personnes.
Je ne suis pas une grande fan des grosses comédies, je manque sûrement un peu d’humour. Pour autant, je pense que l’on peut rire de beaucoup de choses mais que par contre ça ne dédouane pas d’être fidèle à une réalité, de ne pas déformer, de ne pas en rajouter juste pour le spectacle (exception faite des sketchs ou films caricaturaux où là déformer et exagérer est le principe même ).
Sujet central
Puis est-ce que le handicap ne peut pas parfois être un sujet dans le film sans être le sujet principal ?
Les personnes handicapées ont aussi des problèmes qui ne sont pas forcément liés à leur handicap seul même si celui-ci va impacter un peu sur tout : par exemple, une personne peut être licenciée pour raison économique sans que son handicap n’y soit pour rien. Par contre, oui son handicap interviendra dans le fait par exemple, qu’elle aura des difficultés à retrouver un travail par la suite.
Ces films ont tendance à provoquer chez moi des émotions assez contradictoires. Je ne leur pardonne rien, ni invraisemblances, ni erreurs. Je pose des questions parce que je n’arrive pas moi même à décrypter ce que je ressens, à en comprendre les raisons et à ne pas m’en sentir stigmatisé.
à suivre…
Premier article paru en parallèle dans le web zine, Cover dressing, n’hésitez pas à aller y faire un tour.
T’aurais pu parler de Star Wars aussi… Parce que en matiere de handicap, il se pose la Dark Vador. Mais je comprends si tu t’identifies moins a lui…
Plus serieusement, je trouve aussi que le cinema en général manque de personnages handicapes qui ne soient pas les personnages principaux et donc le sujet du film. Cela pourrait « normaliser » le regard qu’on porte sur le handicap.
Que rajouter, sinon que j’adore ce post, qui présente avec subtilité les ambivalences du sujet, tout en gardant ta voix bien à toi, vive et personnelle. Bravo ! En plus, il ouvre d’emblée le débat, sans faux-semblants, et présage une belle série sur le sujet ! Bref, vivement la suite !! (oui oui, je sais, je dis ça à chaque fois)
(promis, mes prochains commentaires sur le sujet seront un peu plus constructifs ;))
Merci ma Gali! Ton commentaire me fait très plaisir et m’encourage beaucoup!!
C’est pas que l’histoire d’un mec tétraplégique..C’est sa réalité au quotidien, sans détour,dont la relation avec son auxiliare de vie, l’amitié qui se construit. Les 2 personnages sont principaux, de 2 mondes différents, l’un pauvre, l’autre plutôt riche, çà parle aussi des representations des personnes, celles qui postulent, avec humour et dérision.
C’est marrant vous êtes deux à avoir commenté deux à avoir parlé d’intouchables, Intouchables n’étant qu’un des films dont j’ai parlé.
Liline chacun le voit de manière différente et c’est normal mais pour beaucoup c’est avant tout un film sur le handicap. Puis je dirais tu a ton regard d’éduc et ta vie personnelle qui fait que pour toi le handicap est normal ne suscite pas de curiosité ni de regard particulier. Même les journaux en parlent comme tel.
Je n’ai pas critiqué ce film juste fait part des commentaires que j’ai pu entendre.
Et cet article c’est avant tous des interrogations sur le genre en général.
Mais vous aurez un article entier sur Intouchables, là vous pourrez vous faire votre avis sur ce que je pense et me donner le votre.
Sur cover dressing il va y avoir des articles petit à petit sur tous les films abordant le sujet, n’hésitez pas à les lire!!
Bonjour Circé,
Ça fait un petit bout de temps que je suis venue sur ton site alors avant toute chose, je te souhaite une bonne année 2015 avec plein de bonheur, de douceur, de projets sportifs et créatifs, d’amour, et le tout permis grâce à un minimum de poussées – proche du nul je l’espère pour toi.
J’aime ce poste sur les films car je n’avais pas réalisée que, comme toi, j’ai en même temps une forte attirance mais aussi une exigence de complexité qui m’emmène à la déception sur les sujets qui me prennent à coeur.. Du coup, étant une grande enthousiaste et passionnée de la vie, il y a en fait beaucoup de films qui me déçoivent et du coup j’en regarde relativement peu (encore moins au cinéma). Les films que j’apprécie le plus n’ont pas de personnage ou sujet central. Ils sont plutôt un ensemble imbriqué de plusieurs personnages ayant chacun leurS histoireS.
Tout ça pour dire que je comprends tout à fait ton point de vu!
Ceci-dit pour Intouchable, j’admets l’avoir vu et avoir apprécié. Ce film nous fait prendre conscience du quotidien d’une personne handicapé.de mon point de vu, c’est de l’apprentissage avant le voyeurisme car il n’y a pas de notion de répétition ou besoin de visionnage. Pas non plus de pitié car justement on le sent fort. C’est plus un reportage culturel mis en scène comme tu as pu le ressentir pour les autres types de film que tu as cités.
Voilà miss, il me reste 2 mois de posts à lire alors je continue.
Merci pour tes belles réflexions partagées,
Très bonne fin de semaine,
Bise,
Laure
Bonne année toi aussi Laurette!