Pour moi la douleur et la souffrance ne sont pas identiques.
Ce n’est pas non plus égal que celles-ci soient volontaires ou subies.
La scarification est une douleur que l’on s’inflige pour apaiser ses douleurs, cela vous parait étrange?
Alors venez avec moi, je vais vous expliquer.
Souffrance et douleur
La douleur je vous en ai déjà parlé là.
C’est celle qui me terrasse, m’isole.
C’est celle que je ressens dans mon corps.
Et encore cette douleur là, elle devient bien trop souvent une souffrance.
Parce qu‘elle ne peut pas être contrôlée.
Elle est physique mais devient mentale quand elle envahit chaque pore de mon être.
Elle n’a pas de limite, elle n’est pas cantonnée à un endroit.
Elle n’est pas explicable, elle n’a ni début ni fin.
Elle ressemble à ses souffrances de l’âme suite à un décès, une mauvaise nouvelles, un accident de vie où vous vous sentez perdu où vous vous savez perdu.
Pas perdu à vie, juste égaré sans repère, sans points d’ancrage.
Celles que l’on contrôle
En opposition, il y a la douleur qui correspond à quelque chose de compréhensible.
Une plaie que l’on s’est faite, une gastro qui vous tord les tripes, une bosse qui a gonflé sur votre front.
Il y a toutes ces douleurs que l’on se fait sans faire exprès mais que l’on comprend puis il y a celles que l’on s’inflige volontairement.
Celles que beaucoup d’ados expérimentent et qui ont des origines diverses.
Cela peut être des brûlures, des coupures même des coups.
C’est ce que l’on nomme les scarifications.
Ce terme fait un peu peur, il est un peu barbare.
Dans certaines peuplades, il a un sens rituel et permet de passer de l’enfance à l’âge adulte ou de s’identifier à un groupe ethnique.
Dans nos contrées, il n’est point de sens aussi ritualisés et pourtant si on analyse psychologiquement, je pense que le signification s’en rapproche surtout à l’adolescence.
Mais la différence c’est qu’elles sont alors encadrées, réservées à un moment, à un objectif.
Vous pouvez lire là ou encore là pour en connaitre un peu plus sur ces pratiques.
La scarification sans raison apparente
Comment comprendre une douleur qu’un enfant, un adolescent, une personne s’inflige.
Comment réagir à ce que l’on ne comprend pas?
Est-ce que les personnes elles-mêmes le comprennent?
Dans nos cultures, la scarification se retrouve surtout (mais pas que) chez les adolescents et est toujours le signe d’un malaise profond:témoignage et explication de la part d’un psychiatre.
La scarification peut servir de punition envers un corps qu’on ne veut pas, envers une vie qu’on ne comprend pas.
Elle n’est pas une solution, elle ne résout rien mais amène un soulagement sur l’instant.
Elle occupe l’esprit.
Celui-ci ne peut gérer une souffrance mentale et des douleurs diverses alors il se concentre sur une.
Cela devient une manière de forcer son esprit à aller là où on le veut.
Scarification et origines différentes
Ado ça m’a permis de me sentir exister, de savoir que j’étais bien en vie , que je pouvais contrôler quelque chose.
Voir les cicatrices après me permettait de réactiver ce sentiment.
Adulte, cela m’a permis de mettre un écran de fumée entre moi et la maladie.
Je savais alors que ce n’était pas une solution mais cela me soulageait toujours sur l’instant.
Cela me permettait enfin d’avoir une douleur que j’avais l’impression de maîtriser.
Je suis allée loin dans ma folie.
Parce que comme toute addiction, elle monte en puissance et plus on l’utilise plus on en veut et plus on a besoin d’aller loin pour ressentir quelque chose.
La souffrance est intime et chaque personne aura des manières différentes de l’expliquer, de la vivre.
Mais ce qui me semble capitale particulièrement à l’adolescence est d’en parler, de ne pas faire l’autruche (autant quand on est le sujet que quand on est un proche).
Le regard des autres
Moi la fille malade, avec un corps déjà éprouvé, on ne comprenait pas pourquoi je m’infligeais des souffrances supplémentaires.
Pour moi c’était juste une douleur.
Une manière aussi de crier, de hurler à ce corps que j’avais le contrôle si je le voulais, que non ce n’est pas lui qui décidait de tout.
Quoi, c’est vicieux? C’est certain. Inutile, aussi.
Parfois la scarification est utilisée comme un appel au secours, une manière de crier au monde ce que l’on n’arrive pas à lui dire.
Mais des fois c’est juste pour soi qu’on le fait, pour avoir mal pour ressentir des choses, pour faire souffrir son corps.
Moi, j’avais choisi les plantes de pieds, personnes ne voyaient ce que je leurs faisais jusqu’à ce que ça dérape et que je sois prête à dire que oui, y avait un problème.
J’ai tout fait connaître à ce corps, peut-être me le rend-il aujourd’hui.
Je pense qu’il s’est bien vengé on ne doit pas être loin du zéro zéro!
Une drogue
Le jour où je me suis attaquée à mes poignets, à mes jambes, c’est devenu visible et surtout la constitution de ces parties étant différentes, c’est devenu plus grave.
Le sang qui coulait m’apaisait.
Me prenais-je pour un vampire?
Non, ma colère partait juste avec lui.
Ce n’est pas un acte que l’on sait sain même quand on est ado.
Je me suis arrêté après ma période difficile de l’adolescence puis c’est revenu à l’âge adulte, cette fois avec la pleine conscience que ça ne résolvait rien et qu’il faudrait de un que j’en parle, de deux que je me fasse soigner.
J’ai fait les deux, puis j’ai rechuté comme une personne alcoolique.
Maintenant, je sais que je ne dois pas toucher à une lame de rasoir.
Je sais que c’est un cercle vicieux pour moi.
C’est ma drogue et ça le restera, celle que je ne dois pas et ne toucherais plus.
je suis l’inconnue qui aimait la froideur de la lame, à chaque prise en main une chamade de souffrance insupportable faisait glissé l’acte comme une goutte, je ne souffrait pas , dur d’écrire …..
Merci pour vos mots.