Ce ne sera pas un article plein d’humour, ce ne sera pas un article délassant, ce ne sera qu’un sentiment que j’ai aujourd’hui, qu’un cri de rage lancé par la gentille fille que je suis. Je connais bien ce sentiment mais comment dire « faut pas pousser mémé dans les orties ».
Je ne te connais pas
Aujourd’hui, j’avais un rendez vous à l’hôpital et j’attendais donc tranquillement devant le bâtiment.
Un homme m’a accosté.
Il m’a demandé direct pourquoi j’étais en fauteuil, si c’était juste pour me reposer.
Donc comme d’habitude, j’ai commencé par lui dire bonjour.
Et, j’ai répondu à ses questions même si je ne l’avais jamais vu et que quand il est arrivée, j’étais occupée à lire.
La bonne éducation veut que l’on soit poli avec les personnes qui vous parlent même si vous n’avez rien à leur dire où qu’elles tombent plutôt mal.
Et puis, j’aime bien parler avec les gens, souvent je sens qu’ils en ont envie ou besoin et je n’ai rien contre même si je ne les connais pas.
Mais il se trouve que certain jour, je n’ai pas envie de tenir le crachoir à un parfait inconnu. Lui dire bonjour, lui sourire, je veux bien mais discuter bof.
Sauf que les gens, ils s’en foutent de savoir si vous avez envie ou non.
Les pires phrases clichés qui existent
Je vous avais parlé des phrases clichés, là, je dirais que c’est le niveau +1 de celles ci et j’ai eu droit à toutes !
En voici une petite sélection:
« Est ce que si vous faisiez un effort, vous ne pourriez pas marcher ? » (ça se passe de commentaire.)
« Mais bon vous êtes jolie. » (je citais déjà cette phrase ici)
« Pourquoi on ne vous attache pas sur votre fauteuil pour ne pas que vous tombiez si vous décidez de vous lever ? » (Celle là on ne me l’avait jamais dites. Il faut un début à tout.)
« Si ça m’arrivait, je ne le supporterais pas. »
« Vous êtes courageuse. »
Je m’arrête là où vous avez assez compris le principe?
Il y a aussi ces commentaires sortis d’on ne sait où qui me coupent la chique : «mais vous les handicapés vous suscitez et recevez plus d’amour que nous les valides. » Mouais
Ma vie n’est pas publique
Il y a une sensation qui va avec ce genre de questions, c’est que ma vie se doit d’être publique.
Parce que oui, j’ai aussi eu le droit à des questions sur ma vie privée, sur ma manière d’aller aux toilettes, sur comment je faisais pour aller chercher mon pain.
Est-ce que le fait de ne pouvoir cacher une caractéristique importante de ma vie donne aux gens la sensation que je suis ouverte, que ma vie n’a rien d’intime?
Je suis pour le fait de parler de la maladie, du handicap c’est même très important.
Si on me parle et qu’au cours de la conversation, on me pose des questions, je n’ai aucun souci pour répondre.
Même si on me dit de ses phrases clichés dont je vous ai parlé, ce n’est pas grave.
Mais pourquoi, à partir du moment où je franchis ma porte, je devrais parler de moi, de ma maladie, de ma vie à de parfaits inconnus?
Certes vous me direz que j’en parle ici sur ce blog !
Sauf que c’est un temps et un lieu dédié, je ne suis pas en train d’aller chercher mon pain, d’amener mon chat chez le vétérinaire ou de faire n’importe quoi d’autre qui fait partie de ma vie.
Je vous écris à vous et je vous aime donc ça tombe bien!
Comment me pousser au cri de rage
Je sais ne pas être la seule à avoir eu ce genre de questions ou de remarques.
Et il ne faut pas se leurrer, il n’y a pas que les personnes handicapées qui ont droit à ces questions indiscrètes, cette curiosité mal placée.
Alors bien sûr, souvent, ce n’est pas méchant. Les gens sont rarement foncièrement méchant, en tout cas je le crois.
Mais est ce pour autant que je devrais leur ouvrir mon cœur les accueillir avec de grands sourires ?
Aujourd’hui, j’ai réalisé que non.
Je suis restée gentille avec ce monsieur. J’ai répondu à ces questions, expliqué que non ce n’était pas une question de choix, supporté sa discussion pendant prés d’un quart d’heure.
J’ai fini par trouver une excuse pour partir.
Mais, il m’avait dit dans une humeur indescriptible.
Bon faut dire que la journée est plutôt de celle où on se demande pourquoi on n’est pas resté dans son lit ce matin ce qui n’aide pas à être patient ou tolérant (je vous parlerai bientôt des effets de la cortisone sur ma petite personne).
Ce genre d’événements m’arrive plusieurs fois par semaine, peut être parce que je suis souriante et avenante ou juste parce que j’ai un joli fauteuil. Mais quoi qu’il en soit, ce n’a rien d’exceptionnel.
La dernière fois, c’est en allant chercher mon pain qu’un monsieur m’a regardé mettre mon fauteuil dans la voiture en me disant que j’étais une vraie leçon de vie et qu’il m’a raconté sa vie, sa nièce qui était malade… (ça aussi c’est un effet du fauteuil, on me parle toujours de la sœur de la tante malade, du grand père handicapé…)
Moi je voulais juste mon pain, pour pouvoir rentrer chez moi où j’étais attendu.
Vous l’aurez senti c’est un vrai coup de gueule.
Je ne sais pas si c’est une question d’éducation, d’intelligence ou de sensibilité, mais jamais de la vie, je ne me verrais accoster une personne dans la rue juste pour lui demander ce qu’elle porte comme sous vêtement où comment est son intérieur.
Qu’en pensez vous?
Handicapée ou pas donnez moi votre avis, ça donnera peut être un peu de légèreté à ma journée.
Maintenant que j’ai bien râlé, je pourrais vous écouter en presque toute sérénité (non parce que si vous m’insultez ma sérénité va vite repartir à la cave, mais j’ai confiance en vous, vous n’êtes pas comme ça!!).
A propos d’admirer une personne handicapée juste parce qu’elle va chercher son pain vous pouvez lire cet article: dites-stop-au-porno-inspirant.
Salut !
Je suis non-voyante et je vis au quotidien le même genre de trucs ! C’est chouette de faire partager je trouve, même si on sait bien qu’on est pas seul à vivre ça, en fait c’est marrant de voir que quel que soit le handicap les gens trouvent toujours des machins super subtils et pleins de tact, de discrétion et d’intelligence à nous sortir. Oui, j’ai dit c’est marrant… C’est pas toujours drôle j’en conviens mais la plupart du temps, j’essaie d’en sourire et d’expliquer gentiment aux gens en quoi ils sont un petit peu à côté de la plaque et parfois pas très très respectueux, en fait.
Ce qui m’a fait vraiment plaisir en fait, c’est de lire que tu aimes les gens, que tu n’as pas de rancune ou d’amertume, ça se sent dans ton texte, et que tu penses que foncièrement les gens ne sont pas méchants. C’est aussi ce que je crois, mon fiancé essaie de me convaincre du contraire, mais je crois que les gens sont bêtes, ignorants et tellement focalisés sur leur propre personne qu’ils ont du mal à ouvrir les yeux sur le reste, mais ils ne sont que très très rarement méchants. Ca m’a fait plaisir de voir que je ne suis pas la seule à le penser.
Mais je t’approuve : ya des jours, il fait beau les oiseaux cuicuitent et on peut répondre avec un grand sourire, un trait d’humour et prendre le temps d’expliquer les choses. Y’a d’autres jours, on a un peu moins le courage et on a un peu envie de gueuler.
Tu te demandes si c’est une question d’éducation, d’intelligence ou de sensibilité ? Mon avis c’est que c’est souvent soit l’un soit l’autre, et parfois un peu des trois à la fois, eh ouais y’en a qui cumulent les handicaps, que veux-tu. Moi ce que je constate quand j’ai à faire à ces personnes, c’est que souvent, ce sont elles qui ont un souci : un problème dans leur vie, un besoin d’être valorisées… Nous sommes leur élément rassurant, celui qui leur permet de s’accrocher à l’idée qu’y a pire dans la vie que ce qui leur arrive, la petite créature fragile qui leur permettra de faire une bonne action et de se sentir mieux avec eux-mêmes… Je suis psychothérapeute et plus le temps passe, plus j’applique avec ces gens ce que je suis sensée appliquer dans mon métier. Quand on me pose des questions, je retourne la question vers la personne.
« Vous devez vraiment être malheureuse dans votre vie.
– Pourquoi vous pensez ça ? Est-ce que vous, vous êtes malheureux ? »
ET ce avec un grand et joli sourire. Les gens, ça les retourne complètement, ils savent plus quoi dire, plus quoi faire, plus quoi penser…
Bref j’écris un roman et en fait j’ai rien à te dire, je me permets de te tutoyer, tu comprends les pauvres handicapés se doivent d’être tous copains… Non c’est juste le tutoiement facile du net et j’espère que tu ne m’en voudras pas de l’employer.
A une époque, j’utilisais beaucoup l’humour face à ces gens-là. Quand on me disait qu’à ma place, on se suiciderait, je répondait que justement j’étais sur le point d’y aller, mais le souci c’est que les gens sont tellement ancrés dans leur truc qu’ils comprennent pas du tout, ça les fait pas rire et ça les aide pas à changer, alors j’ai un peu abandonné.
Non, j’ai tendance à penser qu’expliquer, expliquer encore et surtout, transmettre du sourire et montrer aux gens que ce sont eux qui font fausse route sur le chemin du bonheur, c’est un peu notre mission sur cette terre… C’est peut-être un bien grand mot mais je t’assure parfois ça me fait du bien de me sentir investie.^^ Bref, c’est important de parler de la maladie, du handicap, de renseigner les gens et de changer leur vision des choses. Mais non, non on n’a pas à subir des choses qui relèvent de la mauvaise éducation ou du manque profond d’ampathie des gens, je parle de la véritable ampathie, celle qui fait qu’on essaie de comprendre ce que ressentent vraiment les gens, pas celle qui fait qu’on les plaint sans savoir s’ils sont ou non à plaindre… Non tu n’as pas à subir un examen de la façon dont tu fais ta toilette intime ou dont tu t’épiles les dessous de bras. Pour moi, oui il faut informer et expliquer et toujours rester polis, mais il faut aussi que les autres soient polis. Et te demander comment tu fais caca c’est pas poli du tout. Je pense qu’il faut arriver à trouver un juste milieu et on a aussi le droit de dire non quand les gens vont trop loin, tu as raison, il faut apprendre à le faire si on a du mal avec ça. J’estime que poser des limites et remettre gentiment les gens à leur place, ça fait également partie de ce que j’appelle informer. Si les gens sont trop mal éduqués pour le savoir, eh bien c’est aussi une information sur le handicap que de leur rappeler que nous ne sommes pas des bêtes de foire et que ce qui est intime pour eux l’est aussi pour nous. Encore une fois, j’encourage beaucoup au retour de question.
« Comment vous faites pour aller aux toilettes ?
– Et vous, vous faites comment ? Vous pensez bien à vous essuyer ? »
Je te jure que ça les calme direct.
Je reconnais, parfois on a pas du tout la réactivité suffisante sur le coup pour sortir des trucs comme ça. Combien de fois j’ai eu des tas de répliques géniales qui me sont venues, mais beaucoup trop tard… Mais c’est un coup à prendre et à mon avis renvoyer les gens à leur propre bêtise en leur la retournant, c’est le plus parlant.
J’espère que mon pavé ne t’a pas trop désespérée et bah… Courage pour supporter la suite des hostilités ! Finalement avec la canne blanche on s’en sort plutôt bien par rapport au fauteuil.^^
Peut-être à bientôt !
Oui pardon,
je n’ai même pas dit bonjour, je suis incorrigible, mais je n’ai pas su retenir mon commentaire 😉
Et je suis tout a fait d’accord avec toi sur les épreuves de la vie. Ce que je m’efforce de dire à mon fils de 8ans… Chacun a sa différence, oui la tienne et celle de ton papa se voient, mais certains en ont d’autres plus sournoises et pourtant tout aussi difficiles à « encaisser ». Et pour autant, si tu as un rêves, même si tu ne le fais pas de la même façon que tous, donnes toi toujours les moyens d’y arriver….on sera là pour t’y aider…
Tout cela pour dire, cela m’a fait du bien de vous lire (mais non je ne suis pas bavarde) 😉
Il est bien entouré et il pourra y puiser une grande force c’est déjà énorme.
Je voulais juste réagir à ma façon, moi qui ne suis pas handicapée, mais qui vit avec mon compagnon en fauteuil de plus en plus et mon fils avec sa d »marche particulière et ses orthèses.
Je ne vais pas raconter ma vie, quoique pour une fois tu serais celle qui lira lol… Mon fils est né grand préma d’un papa a maladie génétique, et si tu savais le nombre de fois ou j’ai entendu… « roh lala, vous avez bien du courage d’avoir oser faire un enfant…. » ben non c’est pas du courage, juste de l’amour. Après certes il faut avoir les épaules solides, mais je persiste a penser que chacun, handicapé ou pas, à ses coups durs dans la vie et se doit de les affronter . Et tout cela ne m’empêche pas de sourire, d’être gaie, et je me demande même si du cup je n’apprécie pas plus tous les petits bonheurs que la vie nous offre, plutôt que quelqu’un qui a une vie sans autant d’encombres 😉
Merci Aude de ta réaction. J’aime bien quand des gens inconnus laisse des com ça me fait plaisir. Et oui les gens disent souvent ce genre de choses mais en fait il se dénigre aussi parce qu’en fait ils sont aussi fort que nous, c’est la vie qui nous fait vivre des évènements pas toujours facil mais comme tout le monde!
salutaire coup de gueule !!!
tu as raison, il faudrait apprendre à ne plus faire ce dont tu n’as pas envie même si ton éducation t’y pousse.
Les gens pensent d’abord à eux, alors pense de temps en temps à toi aussi, en te disant que les colères « rentrées » te font du mal !!
bises
Merci Lucrèce? C’est ça on me dit que le silence est mieux que l’insolence mais quand le silence nous détruit peu à peu je pense qu’il vaut mieux parler.
Comme je comprends ton énervement ! Il y en a un paquet, des importuns qu’on ne sait pas rembarrer parce qu’on est trop bien élevée (et je mets au féminin parce que j’ai l’impression que ça nous arrive plus à nous, les filles, handicap ou pas).
Depuis peu, je fais ce que les partisans de la psychologie new-age (oui oui) appelleraient « un travail sur moi » pour apprendre à dire « non » ou « stop » sans avoir à me justifier. Ça paraît tout bête mais ça n’est pas si évident. Ça commence à la caisse d’un magasin où on te propose en insistant la carte de fidélité. Avant, j’expliquais pourquoi ça ne m’intéressait pas : « Vous comprenez, je ne viens pas souvent, surtout que maintenant j’habite à la campagne, et puis je n’aime pas trop que mes achats soient traqués », etc. Maintenant, je me force à dire : « Non merci, ça ne m’intéresse pas. » Point barre. Sans me justifier. Et je crois qu’avec des parfaits inconnus qui nous agacent, il faut apprendre à faire pareil : « Excusez-moi, mais je n’ai pas envie de parler maintenant. Bonne journée. » Pourquoi avons-nous peur de réagir comme ça ? L’inconnu en question sera certainement vexé, mais il faudrait vraiment une malchance monstre pour qu’il nous mette un pain dans la tronche, non ? Et puis s’il nous déteste, on s’en fiche puisqu’on n’avait pas envie de faire sa connaissance !
En tout cas je te rassure, c’est plus facile à dire qu’à faire et je suis loin d’avoir fini mon apprentissage de psychologie new-age 😀
Bisous ! Le soleil brille !
Oh que merci Gali!
Et que tu as raison ces sacro saintes valeurs que l’on a apprises que l’on m’a apprise et qui n’ont pas de sens qui font plus de mal que de bien sont de l’hypocrisie aussi puisque je me force à lui parler à l’écouter alors que j’aurais envie de lui dire dégage.
On va être deux à travailler sur ça et je crois que peu à peu je vais devenir plus honnête plus moi avant d’exploser et de n’être que ce qu’on me renvoi.
T’inquiète, quand on sera vieilles et ridées et sans dents, on saura dire « He ho ! Faut pas pousser mémé dans les orties ! » On est sur la bonne voie, j’en suis sûre 😉
Bonjour! Que je te comprends. Les ca va aller où que tu es courageuse me donnent envie d’hurler. Avons-nous le choix? La prochaine fois roule leur sur le pied en feignant un petit accident 😉 des bises
Grave! Je suis trop gentille pour le faire mais j’y penserais la prochaine fois!