Prêt pour continuer votre chemin au pays des saltimbanques ?
Parlons du stage
A partir de mi-juin, la troupe prend résidence sur un champ, un terrain, une vieille maison.
Savoir où celui-ci va être est toujours THE question. Les FSB n’ont pas de terrain à eux, pas de bureau pour la logistique alors des fois c’est un ami, une connaissance qui suggère un lieu.
Pour nous, c’était un terrain près de la maison du propriétaire, ami des FSB.
Il était un peu en pente près d’un petit ruisseau avec plein de moustiques et une forêt en mode « La belle au bois dormant » c’est-à-dire difficile d’accès, tout du moins au départ.
Puis certains s’y sont attaqué, ont débroussaillé, créé un petit chemin et au bout la cabane à petites et grosses commissions. En gros le plus loin possible du lieu de vie quotidien !
Puis il y a aussi eu une cuisine temporaire, une scène, des gradins, une table, des tentes qui se sont installés peu à peu pour permettre à tout ce petit monde de vivre là une bonne quinzaine de jours.
Une scène parce que ce stade n’est pas pour tricoter des chaussettes ou se faire des tresses africaines (même si ça reste possible!) mais pour permettre au spectacle de voir le jour.
On ne découvre pas le texte à ce moment là, on ne joue pas son personnage pour la première fois mais c’est durant ce stage que tout le monde travaille d’arrache-pied et trouve qui est vraiment son personnage, que le groupe se soude et trouve son identité.
Tout est basé autour du spectacle et de la tournée.
Nous avions même notre mascotte, notre rat blanc adopté et nommé Scorby ! Lui aussi a tout vécu, les ateliers, le stage, la tournée. Les épaules des uns des autres.
On joue, on travaille la voix, le chœur, on fait des affiches, on peaufine les costumes, on débarque dans les villages pour annoncer notre proche arrivée puis on cuisine, on fait les courses, la vaisselle parce qu’il faut bien manger. Vivre d’amour et d’eau fraîche c’est bon pour les romans ou les idéalistes mais en vrai c’est plutôt « à manger, on veut MANGER. »
Nous, nous étions des pirates ! L’an dernier ils étaient des zombies. Cette année, je ne sais pas mais je vous le dirais promis !
Après ce petit apéritif, le plat de résistance commence, la tournée !
La tournée
La tournée dure tout le mois de juillet. Elle navigue entre les petits villages Ardéchois aussi petits que beaux (Joyeuse, Désaignes, Les Assions…).
La troupe vit réunie 24h sur 24.
Elle joue le soir, elle répète la journée, elle monte le décor dans l’après-midi et souvent la nuit elle roule pour atteindre la prochaine place où elle va poser son gradin.
Et entre tout ça, elle pose les affiches pour annoncer le spectacle, elle répare le camion qui n’est plus de première jeunesse, elle fait les comptes (je vous ai dit on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche), elle fait les courses, elle prépare ses repas.
Chacun joue son rôle dans la pièce et son rôle dans le groupe.
C’est un mois qui se vit à 300 à l’heure d’où on ressort sur les rotules mais le sourire aux lèvres et l’irrésistible envie de recommencer.
Puis un ou deux jours par semaine sont consacrés au repos. Certains font leur lessive, d’autres dorment, lisent, réparent le camion (Le camion pourrait faire l’objet d’un roman à lui tout seul!)…
La fin du mois arrive vite. On range une dernière fois, on nettoie, on trie.
Les larmes sont au coin de beaucoup d’yeux. Alors on se promet de revenir et on se laisse.
Ce que je n’ai pas dit
Voilà, vous connaissez un peu mieux les FSB, ce qu’est leur quotidien au sein de cette troupe de cette famille, je ne sais pas trop. Même si vous ne savez pas tout, ni les sourires, ni les disputes, ni les spectacles qui font rêver.
Ne vous reste plus qu’à venir les voir l’an prochain dans un des nombreux villages qu’ils traversent pour aussi voir les sourires, les mines heureuses et les spectacles qui font rêver. Allez je suis gentille, je vous tiendrai au courant.
Mais il y a encore tout ce que je n’ai pas vraiment dit que même si vous rentriez dans la troupe vous ne vivriez pas.
Tout ce que j’ai raconté, c’est ce qui s’y passe, ce que j’ai vécu un peu…
Je n’ai pas eu tout à fait ce stage ou cette tournée. Je n’ai même pas fait partie du spectacle.
Par le biais d’Eric, je suis allé au premier week-end de l’année. Celui-ci est toujours libre et gratuit et permet aux novices de voir si ça leur plaît et s’ils veulent monter dans le train.
Moi j’ai sauté à pieds joints malgré la distance, la timidité et la gène de mon destrier à quatre roues.
Ce n’était pas très simple parce que mon fauteuil refuse obstinément de monter des marches, ou de crapahuter sur des chemins caillouteux (le vilain).
Ce n’était pas très simple, parce que je n’étais plus très spontanée depuis longtemps.
Ce n’était pas très simple, parce que je ne savais pas comment je serais accueillie dans ce nouveau groupe moi et mes quatre roues.
Cela n’est jamais devenu très simple.
Un jour en larmes, dans la voiture du retour avec une des membre, je lui ai dit que j’arrêtais, que je ne pouvais plus. Mon corps ne voulait plus, je ressortais des ateliers épuisée. Souvent durant le week-end je devais serrer les dents pour ne pas hurler parce que j’avais mal et j’étais aussi frustrée, frustrée de ne pas faire ce que je voulais comme je le voulais.
Elle n’a pas vraiment compris, elle m’a dit qu’il fallait peut-être juste adapter pour ne pas que ce soit si difficile pour moi.
Je ne l’ai pas crue, j’étais physiquement et moralement trop fatiguée et j’ai maintenu ma décision de quitter le groupe. Je l’ai annoncé à Eric.
Il a cherché un moyen de déroger à ses propres règles d’assiduité pour que je puisse continuer à être une FSB. Il m’a fait réfléchir, il m’a donné envie d’y croire… un peu… encore.
Alors je venais quand ma santé le permettait et seulement quand je pouvais le vivre sereinement et y prendre du plaisir.
J’ai cru que ça sonnait le glas de la tournée pour moi mais non : je l’ai faite, sans avoir un rôle dans la pièce sans les suivre tout le temps mais je l’ai faite.
J’étais la pirate à roulettes, la pirate fantôme. Je n’ai pas participé aux parades pour annoncer le spectacle, je n’ai pas pu permettre à mon personnage d’avoir une existence sur scène mais il en a quand même trouvé une dans la troupe.
J’adore la cuisine du coup je leur faisait le maximum de repas à chaque fois que je pouvais rester quelques jours (je me souviens même d’un gâteau qui a été recraché tellement il était mauvais!).
Je m’occupais des entrées avec mon costume de pirate fantôme à roulette et de temps en temps je faisais un chapeau (des petits bonus de fin de spectacle pour lesquels les spectateurs peuvent mettre deux trois sous dans un chapeau) : je déclamais un texte de mon cru avec mon costume et ma canne.
J’aimais discuter avec chacun parce que je n’étais pas tout à fait une FSB ordinaire, je n’étais pas dans les disputes éventuelles, dans les coups de déprime après un coup de gueule du metteur en scène, dans les moments d’épuisements après plusieurs spectacles enchaînés.
Puis surtout ils étaient tous là pour me porter moi et mes roues si le terrain n’était pas accessible, pour donner un petit coup de jeune à mon fauteuil qui quand même en un été en a vu de toutes les couleurs, pour me sauter dessus quand je revenais après deux jours de repos.
Je n’ai pas eu la tournée que j’aurais voulue, l’année d’engagement totale où j’aurais appris des tas de nouvelles choses mais j’ai appris ce qui est plus en accord avec ce que j’ai besoin aujourd’hui que je suis une femme en situation de handicap malade et qui a 31 ans (à l’époque) : j’ai appris à oser être moi même si ce moi n’est pas ce que je voudrais, que je le trouve relou (avec ces roues, ses douleurs, sa fatigue) et que si je pouvais l’enfermer dans un placard et en prendre un autre ben je le ferais.
Ils ont été le début de ma vie de femme malade, handicapée et heureuse. Puis FSB un jour, FSB toujours (demandez-le leur ils vous le diront tous) !
Ma compère cuisinière adorée! Heureusement que tu as fait cette tournée pour moi.
FSB un jour, FSB toujours =)
J’espère te voir au One Man Show cette année, c’est le dimanche 11 janvier 2015 à Villeneuve-de-Berg.
Douce barbare connais-tu « je suis aurel, tu es hardi…? »
J’ai envie de chanter « tu es la grande, je suis la p’tite »
Dans ce que tu écris, avec légèreté, je suis comme une enfant qui se laisse bercer par le récit et puis hop, un petit rappel pour dire que ce n’est pas un compte de fée tout de même.
Par exemple dans cet article « les fous sans blanc et la tournée », je lis, je suis bonne participante, je suis séduite par la mise en place, l’énergie etc, j’ai presque envie de le vivre aussi. Et puis le conte se retourne comme une crêpe. J’ai oublié que tu n’es pas tout à fait libre de tes mouvements, de tes douleurs, et qu’évidemment tu as vécu la tournée tout autrement. Mais comment te dire? Je n’aurais pas été étonnée de lire que finalement tu as tenu le premier rôle, que ton éloquence a renfloué comme jamais les caisses de la troupe etc… Bref, je pars vers je ne sais où et quand je me sens raccrochée par la réalité de ton personnage en vrai, je me sens bête et immature.
Je comprends la personne qui n’a pas eu l’air de comprendre quand tu lui as dit que c’était trop dur pour toi, que c’était au dessus de tes forces etc. Elle t’a répondu qu’il suffisait d’un réglage en quelque sorte, qu’il fallait aménager pour toi cette participation. C’est pas vraiment qu’on ne croit pas à ton état profond mais on l’oublie face à tes paroles positives face à la force que tu dégages. On a presque envie de te dire « bon arrête, avance »
Alors quand tu remets la réalité sous nos yeux avec des mots simples, des ressentis forts qui nous traversent, pour ma part je me sens toute petite et je suis intimidée.
myriam
Quel beau commentaire. Je ne sais que dire alors je dis juste merci et je me tais.
waouw…. merci pour ce texte.
eh bien tu vois, tu t’en sors très bien …
continue……..avec ton destrier à 4 roues !!!
merci!!