REFLECHISSONS

Le poids des mots quand on est un patient

Je parle décidément souvent du langage ces temps- ci! Mais celui-là parle aussi et surtout du monde qu’il peut exister entre les médecins et les patients.

Le poids des mots: un aphorisme

Savez-vous ce qu’est un aphorisme?
C’est parti pour un peu de culture générale!
Et dites-vous qu’à l’heure où j’écris ces lignes, il est 8h du matin, la journée commence bien!

Selon le Larousse :

« 1.Un aphorisme est une phrase, sentence qui résume en quelques mots une vérité fondamentale.
2. Un énoncé succinct d’une vérité banale. »

L’aphorisme est un trait de l’esprit plus descriptif, spirituel voire paradoxal qu’un adage ou une maxime.

Si tôt le matin je ferais un trait d’esprit, je m’étonne!

Expression très usitée

Si vous tapez « le poids des mots » sur google, vous aurez comme première réponse, un site parlant de la bible, un sur le terrorisme, un autre parlant d’actualités journalistiques, de justice…
Et pour moi, la première chose à laquelle je pense est l’éducation.

En tant qu’éducatrice de jeunes enfants, j’ai appris et expérimenté l’importance de ce que l’on dit à un enfant et de la manière dont on le dit.
Dire à un enfant sur un toboggan, « tu vas tomber » est beaucoup plus violent et suggestif que « soit prudent ».

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On oublie souvent qu’un mot dit, est un mot posé et qui selon les circonstances, ne s’oublie pas.

Qui n’a pas des souvenirs de mots durs du genre, tu es nul, ou tu es gracieuse comme une baleine.
Moi je me souviens encore d’un adolescent qui m’avait dit à l’époque, « toi tout ce que tu as de beau, c’est ta bouche » en cachant de ses mains mes yeux et mon menton.
Ça c’est dit!

 

Puis il y a ses mots en forme de parpaing qu’on vous dit en passant.
Vous les recevez en plein visage, essayez après de remettre votre nez, vos yeux, votre cerveau dans le bon sens et dix ans après vous en souvenez encore.

 

Le poids des « mots-parpaings »

Je vais vous parler de ce mots parpaings que des médecins m’ont assenée sans en deviner leur poidscrash-test

Lorsque j’ai été hospitalisé la première fois, j‘ai attendu, attendu, attendu dans la salle d’attente des urgences puis on m’a mis dans un box avec pour seule tenue leur jolie chemise ouverte.

C’était un homme noir avec un accent africain très fort.
Oui ça a son importance parce que vu que je suis à moitié sourde, j’avais du mal à le comprendre.

Bref, il rentre, me regarde et me dit « c’est une sclérose en plaques ou un accident vasculaire cérébral » et il repart.

Manque de pot, une personne de ma famille avait déjà une SEP du coup le mot, je l’ai pris à la vitesse d’un crash test de voiture.
L’infirmière qui était là, a essayé d’atténuer ce qu’il venait de dire et de sécher mes larmes parce que franchement, moi qui ai tendance à me draper dans mon orgueil, je le cherchais encore sous les chaussettes qu’on m’avait enlevée.

Ça fait huit ans. Ce qu’il a dit n’a rien changé à ma vie surtout que deux semaines après, le diagnostic est tombé.
Mais je n’ai oublié ni la voix de ce médecin, ni ses mots, ni son passage éclair dans ce petit box.

Les mots à poids relatifs

Les mots n’ont pas le même sens pour tous. Il y a la manière dont on les dit, le sens qu’on leur donne et ce que va en percevoir, en comprendre son interlocuteur.
Entre le monde médical et le monde du commun des mortels, le fossé est parfois dur à franchir.
Les mots de ce médecin, pour lui si banal sans aucune portée volontairement négative, je les ai reçu dans leur plus mauvaise expression.

les cases du handicapRécemment une des personnes de mon entourage qui est également médecin, m’a dit que pour lui je n’étais pas handicapée mais malade.
Cette simple catégorisation a alimenté mes nuits pendant un bon moment.

Je le respecte et je sais que c’est une personne loin d’être insensible et qui plus est, est intelligente, donc j’ai essayé de comprendre.
Pour lui lorsqu’une personne est handicapée, c’est une identité qui lui colle à la peau.
On ne lui rendra pas ses jambes s’il est amputé, on ne lui rendra pas la vue s’il est aveugle, on ne lui rendra pas sa mobilité s’il est tétraplégique.

Par contre, moi je relève toujours de la médecine, des progrès qu’elle fait et fera encore pour soigner ma pathologie.
Ma maladie se caractérise par sa permanente évolution en bien comme en mal. Elle n’a rien de figé.
Je ne pense pas que le handicap le soit non plus mais c’est différent.

Je ne pense pas que ces mots prononcés autour d’un repas se voulaient négatifs et pourtant c’est de cette manière que je les ai reçu.
Je me suis sentie diminuée, niée dans ma douleur, dans mon combat de tous les jours.

 

Le dernier en date

Nous voici au paragraphe qui m’a poussé à écrire cet article, qui m’a fait réaliser que les mots ont un poids énorme que l’on veuille ou non.

le poids des motsSuite à une poussée (j’en parlais déjà ), je suis allée faire un tour dans mon service de neurologie pour y recevoir un traitement par perfusion.
Comme à chaque fois, j’y ai vu mon neurologue, personne que j’apprécie, très professionnel, très franc et pourtant plein d’humour.
Étant une fille avec toujours plein de doutes, je lui ai demandé si c’était bien une poussée de ma maladie.

Il m’a regardé depuis le pas de ma porte et m’a dit « on ne devient pas paraplégique du jour au lendemain« .
Bien sûr il ne parlait pas des accidents ou agressions mais bien d’une maladie avec aucun autre événement surajouté.
Je n’ai pas peur des personnes paraplégiques, j’ai des amis qui le sont, et la réalité je la vivais donc j’étais bien consciente de mes difficultés.

Mais le mot. LE MOT.. J’ai eu l’impression d’un énorme parpaing arrivant sur mon crane..
Je vous rassure, une fois le parpaing au sol, on se recoiffe, on nettoie la poussière et on continue comme avant même pas plus triste d’ailleurs.
Puis on met les nuances parce que paraplégique, un peu peut être, mais j’arrive encore à bouger mes jambes mêmes si elles ont la force de brindilles, tremblent comme des lampions dans le vents et se plient comme si elle portait la tour Eiffel.
Mais le mot a été dit, et il est inscrit dans le marbre de mon esprit.

Au moins la prochaine fois, ce mot ressemblera à une brise au lieu d’un parpaing.

7 commentaires

  • Titi

    Ces commentaires maladroits et blaissants, on a beau en entendre régulièrement, on ne s’y fait jamais vraiment : on en tombe sur le cul ! @~#%&°$-grr-gnn-gnn…!!
    Aller, sœurette, courage, et prépares-toi aux prochain (je t’envoie un câlinou-chatounnet en pensée pour t’encourager =^.^= )
    Bises

  • HERR marie-Thérèse

    Tout au long de notre vie on reçoit des mots qui ne devraient pas être dits car les mots peuvent faire très mal.Nous comprenons tous à notre façon ce que l’on nous dit,l’interprétation est des fois totalement différente de ce qui a voulu être dit.J’ai une copine à qui on a dit vous avez un pré-cancer alors pour elle c’est obligatoirement un futur cancer,on lui aurait simplement qu’il fallait surveiller sa réaction aurait été moins dure.Attention quand nous parlons à celui qui nous écoute,les mots peuvent aussi blessés et ce n’est que pure maladresse.Encore bravo pour cet écrit qui fait réfléchir comme beaucoup de tes articles d’ailleurs

    • Douce barbare

      Oh que j’aime ta formule!! Mais bizarrement l’amnésie n’est jamais là où on la souhaite! Elle préfère se charger des rendez vous, de la place des lunettes et autres futilités! Petite joueuse!

  • Lamia

    Hey !

    Je me présente, Lamia, 31 ans, diagnostiquée depuis un an, mais malade depuis un moment. En effet, je tournais pas rond depuis plusieurs années déjà. J’adore ton blog ! Ton article me parle et me touche. J’aurai pu l’écrire, d’ailleurs, beaucoup de tes textes me parlent. « Je vous rassure, une fois le parpaing au sol, on se recoiffe, on nettoie la poussière et on continue comme avant même pas plus triste d’ailleurs. » Tellement vrai…

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